Sat : « Il n’y a pas si longtemps on était tous très soudés »

Publié le par Orbeat


IMG 4713Deux ans après « Second Souffle », celui que l’on nomme SAT L’artificier sort son nouvel album « Diaspora », dans lequel l’homme semble porter un regard plutôt désabusé sur l’univers du rap. Le temps d’un disque, c’est à ses potes de la scène marseillaise, comme Akhenaton, Soprano ou Faf Larage, que SAT a donné rendez-vous, sans doute pour un ultime opus…


Peux-tu nous parler de tes débuts dans la musique ?
Ca a commencé à l’adolescence avec un pote qui m’a fait découvrir le rap américain. De là, j’ai découvert qu’il existait du rap français. Je me suis tout de suite intéressé à la culture hip-hop mais je ne savais pas si je voulais faire du graff, de la danse ou du rap. Finalement, c’est dans l’écriture que j’ai trouvé le plus de plaisir et d’engouement. Et puis c’est devenu une passion. De fil en aiguilles j’ai créé un premier groupe, puis j’en ai intégrer un second, jusqu’à rencontrer les gars avec qui on allait créer la FF. C’est comme ça que la machine s’est mise en route.

On a pu assister à la reformation du groupe NTM, pourquoi pas celle de la FF ?
Déjà à l’époque on me posait beaucoup la question mais là, je maudis NTM de s’être reformés, car maintenant j’y ai systématiquement droit (Rires). Plus sérieusement, pour moi NTM se sera vraiment reformé quand Joey starr et Kool Shen sortiront un nouvel album. Sinon, en ce qui concerne la FF, si un jour on doit être amenés à retravailler ensemble, c’est que déjà sur le plan humain on aura réglé nos différents.

Quel est le souvenir le plus mémorable de ta carrière ?
C’est facile, c’est le concert qu’on a donné au Dôme à Marseille avec la FF, pour clôturer la tournée Art de Rue. On a commencé dans les plus petites salles de la ville et on finit dans la plus grande à jouer devant 8000 personnes. En plus, c’était la première fois que ma mère venait assister à l’un de nos concerts. Donc ce soir là, pour moi, la boucle était bouclée.

En 2008, tu as fait parler de toi aux Trophées du Hip-Hop en dénonçant l’évolution du rap en France. Même si c’était il y’a seulement deux ans, penses-tu que ton appel ait été entendu ?
Ah non ! C’était une petite pierre jetée dans l’eau, dans l’océan même ! Mais à la base, il faut savoir que je n’étais même pas partant pour aller participer à cette remise de Trophées. Puis ma maison de disque m’a un peu mis la pression en me faisant comprendre que c’était un moyen de me montrer et que ce serait bien vu que je sortais un album. Je leur ai dit d’accord, à condition de remettre un prix qui m’intéressait : celui du meilleur album. Ensuite, j’ai regardé qui était dans la catégorie et j’ai dit d’accord car il n’y avait pas d’imposteur. C’était important pour moi que je puisse remettre le prix à quelqu’un qui, à mon sens, l’aurait mérité. J’ai eu de la chance, je suis tombé avec Amel Bent. L’après-midi, les gens de l’émission nous avaient préparé un petit discours : « Amel, comme tu es jolie ce soir ... » un truc vraiment débile ! On s’est regardés et on s’est compris, c’était hors de question de dire ça sur scène. Je lui ai dit « Ecoute, laisse-moi faire, ce soir on fout la merde. ». Et elle m’a suivit. C’est ce que j’adore chez Amel. Le moment venu, personne n’avait été prévenu de ce que j’allais dire et ils ont essayé de me couper la parole à deux reprises. Il y’a beaucoup de gens qui ont été sensibles à ce discours, mais je savais au fond de moi que ça ne changerait rien. Par contre, je me disais qu’on était tellement à le penser qu’il fallait que ça soit dit et ce soir là paraissait être le moment idéal.

Pour en venir à ton album, quels sont les principaux thèmes qui t’ont inspiré ?
Il y’a un thème principal, qui est le rap en tant que musique et que culture. Autant, par moment je glorifie le rap comme sur le titre « Plus que de la musique » qui se veut un titre fédérateur, comme un hymne. Et autant sur un titre comme « Retour aux sources », avec Faf Larage, c’est un peu le prolongement du discours des Trophées du Hip-Hop, où je stigmatise plus les mauvais côtés et les dérives de ces dernières années. Ce n’est même pas moi qui me suis rendu compte que ce thème est récurrent dans mon album, c’est un ami qui me l’a fait remarquer à l’écoute du disque. A côté de tout ça, on retrouve des titres plus sérieux, plus conscients, d’autres plus axés sur l’émotionnel ou plus engagés. Je crois que c’est un peu à l’image de mon écriture depuis toujours, je n’ai jamais voulu m’enfermer dans une cage et j’ai toujours refusé qu’on m’y enferme.

Tu peux me parler du titre de ton album ?
Le titre de l’album a interpelé beaucoup de monde. A l’origine il ne devait pas s’appeler comme ça. La première idée que j’avais eu était « Mars Attaque » mais il y’a déjà le film, le festival marseillais, et puis je trouvais ça un peu cliché. Ensuite, encore plus cliché, j’avais pensé à « French Connection » mais entre temps un groupe de Marseille à sorti un album avec ce titre. Je commençais à être un peu à court d’idée quand je suis tombé un jour sur une émission de télé qui expliquait le phénomène des diasporas. Le mot m’a interpellé, j’ai trouvé qu’il sonnait bien. Alors je me suis pas mal renseigné sur le sujet et je me suis rendu compte qu’une diaspora c’est la dispersion d’un peuple ou d’une communauté, qui à la base partageait des liens ethniques, culturels ou religieux. J’ai trouvé qu’on pouvait faire le lien avec mon album parce que, c’est bien connu, les artistes de la scène marseillaise ont un attachement très fort leur ville et une conscience de leur identité marseillaise. On a tous des liens entre nous et il n’y a pas si longtemps on était tous très soudés. Puis avec le temps on s’est un peu dispersés, chacun a fait sa route. Et le temps d’un disque j’ai eu l’envie de recréer l’état d’esprit de l’époque et de rassembler tous ceux qui s’étaient éparpillés. Pour toutes ces raisons là, j’ai appelé mon album « Diaspora ». Ca résume bien les choses.

Tu parles de conscience de l’identité marseillaise, est-ce que tu penses qu’il y’a une identité nationale en France ?
Pour moi c’est un faux débat. Et celui qui l’a le mieux résumé c’est surprenant, mais c’est Alain Juppé, qui a dit que la question qu’il fallait poser ne portait pas sur l’identité nationale mais sur la compatibilité de la France avec l’Islam. Parce que c’est ce sous-entend cette question de l’identité nationale. Personnellement, je ne me suis jamais senti français. Ca peut paraître fou de dire ça. J’ai 34 ans, je suis né ici, je n’ai jamais été en Kabylie sur le terre de mon père, je ne connais que la France. Et pourtant, je ne me suis jamais senti français parce qu’on ne m’a jamais fait me sentir français. Plus le temps passe et plus je me dis que mon avenir n’est peut-être pas dans ce pays, parce que je n’ai pas forcément envie d’élever mes enfants dans ce climat. Je trouve que les déclarations de ces derniers mois sont assez graves : entre Brice Hortefeux, Nadine Morano sur les bons musulmans et l’autre, Eric Besson, sur l’identité nationale. Bref, tout ca me saoul, me fatigue. Je n’ai plus envie d’allumer la télé ou d’ouvrir le journal car ça devient invivable. Le but de tout ça c’est de monter les gens les uns contre les autres, de créer du communautarisme. Et ça c’est quelque chose que moi je n’ai jamais connu à Marseille. C’est une ville cosmopolite et j’ai passé mon enfance au contact de toutes les communautés : les gitans, les juifs, les africains mélangés avec les corses, les italiens et tout ça. Et du coup, c’est ça être marseillais, c’est être un mélange de tout ça. Donc l’identité nationale : connaît pas ! Et je ne sais pas ce que c’est, hormis que c’est écrit sur ma carte d’identité et sur mon passeport.

Peux-tu nous parler de tes ambitions et de tes projets à venir ?
C’est la question qui me fait le plus peur. Ce que je veux faire, je n’en sais rien. Je songe souvent à arrêter la musique ou à prendre du recul mais je crois que je retarde l’échéance car j’ai peur de ce qu’il va y avoir après. Pour l’instant, je profite au quotidien de tout ce qui se passe. Ce qui me tiendrait à cœur serait de faire un album sur un format court avec des sonorités très soul, avec des musiciens, des chanteurs, des vrais, qui savent chanter. La soul est une musique que j’écoute beaucoup au quotidien et ça me ferait tripper de pouvoir faire un disque dans ce genre. J’aurais le sentiment de faire de la vraie musique, au sens propre du terme !

propos recueillis par Léa Cerveau
photo : Léa Cerveau

Publié dans Interviews

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article